Analyses
Droits de douane : dans l’attente de clarification
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Global Fixed Income Bulletin
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avril 07, 2025
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avril 07, 2025
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Droits de douane : dans l’attente de clarification |
Bien que ce bulletin soit mensuel, nous reviendrons sur les événements du mois de mars, mais aussi sur les mouvements de marché des premiers jours d’avril, en particulier après le « Liberation Day » du Président Donald Trump.
Mars s’est révélé être un mois difficile pour les investisseurs obligataires, en raison de la hausse généralisée des rendements mondiaux et de la correction des actifs risqués.
Les rendements des marchés développés ont augmenté dans le monde entier, en particulier en Europe. Ici, la hausse a été portée par l’approbation en Allemagne d’un programme de réforme budgétaire qui injectera des centaines de millions d’euros dans l’économie. Le rendement du Bund à 10 ans a augmenté de plus de 30 points de base (pb) après l’annonce. Les rendements dans d’autres régions ont également augmenté, avec des hausses de 19 pb au Royaume-Uni, 11 pb au Japon, 9 pb en Australie et 8 pb en Nouvelle-Zélande. Les courbes de rendement ont, pour l’essentiel, enregistré une pentification baissière tout au long du mois, le spread 2/10 ans aux États-Unis se pentifiant de 10 pb et le 10/30 ans de 9 pb.
Les rendements souverains des marchés émergents ont connu des fortunes diverses. Au Brésil, au Mexique et en Thaïlande, les rendements à 10 ans ont baissé respectivement de 18, 14 et 10 pb, tandis qu’en Hongrie ils augmentaient de près de 60 pb, en Indonésie de 9 pb et en Afrique du Sud de 8 pb. Le dollar américain a baissé de plus de 3 % par rapport à un panier d’autres devises, chutant notamment de 4,3 % par rapport à l’euro, de 7,3 % par rapport à la couronne suédoise et de 7,1 % par rapport à la couronne norvégienne1.
Les spreads de la dette extérieure des marchés émergents se sont élargis, ceux du High Yield s’élargissant de 36 pb et ceux des titres Investment Grade de 6 pb. Les spreads des obligations d’entreprises des marchés émergents se sont également élargis, pendant que ceux des entreprises Investment Grade américaines et européennes s’élargissaient de 7 pb. Les spreads du High Yield américain se sont élargis de 67 pb et les spreads du High Yield européen de 50 pb en moyenne. Le taux hypothécaire américain à 30 ans a baissé de 17 pb à 6,77 %. Les spreads des MBS d’agence comme ceux des titrisations se sont également élargis au cours du mois2.
Aperçu du mois d’avril - Commentaire de marché
Le 2 avril, l’administration Trump a annoncé une nouvelle série de mesures tarifaires, avec un taux de droits de douane mondial de base de 10 %, et des taux plus élevés pour certaines régions : 20 % pour l’Europe, 24 % pour le Japon et 34 % supplémentaires pour la Chine (ce qui porte le total pour cette année à 54 %). Ces taux ont été déterminés en fonction du déficit commercial bilatéral de chaque pays avec les États-Unis, plutôt qu’en fonction des droits de douane actuels sur les produits américains. D’après les estimations, les dernières mesures portent le taux des droits de douane effectifs entre 18 % et 23 %, soit une augmentation significative par rapport aux 2 à 3 % en vigueur au début de l’année, ces nouveaux niveaux étant les plus élevés depuis le début des années 1900.
Les responsables américains ont fait savoir qu’il serait possible de réduire ces droits de douane si les partenaires commerciaux s’abstenaient de représailles ou faisaient des concessions dans d’autres domaines. La Maison-Blanche a déclaré que « les droits de douane réciproques resteront en vigueur jusqu’à ce que le président Trump estime que la menace posée par le déficit commercial et le traitement non réciproque sous-jacent a été éliminée, résolue ou atténuée ». La réponse mondiale à cette dernière série de droits de douane américains sera suivie de près, même si l’on ne sait toujours pas comment les responsables politiques réagiront. Nous pensons que la plupart des pays chercheront soit à négocier avec les États-Unis sans prendre de mesures de rétorsion, soit à mettre en œuvre des mesures de rétorsion sans aggraver les tensions dans un premier temps. Toutefois, le calendrier de ces négociations reste incertain.
Au niveau national, les gouvernements peuvent également chercher à atténuer l’impact de ces mesures sur la croissance par la politique budgétaire. Par exemple, l’Espagne a déjà annoncé un plan de soutien de 14,1 milliards d’euros pour faire face aux droits de douane et l’Allemagne a considérablement augmenté sa capacité budgétaire en mars afin de répondre aux changements de politique américaine. Ces droits de douane devraient avoir un impact négatif sur la croissance à l’échelle mondiale et en particulier aux États-Unis, où la croissance avait été exceptionnellement forte jusqu’à présent. L’augmentation implicite de l’impôt aux États-Unis devrait dépasser 2,5 % du PIB, ce qui représente la plus forte augmentation d’impôt depuis des décennies, et ce, avant même d’envisager des mesures de rétorsion ou toute autre réponse à la politique des États-Unis.
Cette situation devrait exercer une pression à la hausse sur l’inflation aux États-Unis, tout en constituant probablement un facteur déflationniste ailleurs, à moins que des mesures de rétorsion tarifaires importantes ne soient adoptées et que les taux de change ne se déprécient considérablement. Pour les banques centrales européennes et d’autres pays, cette combinaison de facteurs renforce les arguments en faveur d’un nouvel assouplissement. Aux États-Unis, avec une combinaison de faible croissance et d’augmentation de l’inflation, la Réserve Fédérale sera confrontée à une position plus difficile et devra en fin de compte évaluer quel choc est le plus préjudiciable.
Perspectives des marchés obligataires
Sur les marchés financiers, le mois de mars a débuté en douceur pour finir en force. Toute discussion sur les perspectives économiques, les politiques monétaires et budgétaires et les taux d’intérêt doit désormais tenir compte du « Liberation Day », ce 2 avril quand l’administration Trump a annoncé ses nouveaux droits de douane. Comme largement relayé par les médias, l’ampleur de la crise a été bien pire que prévu, le président Trump ayant augmenté les droits de douane envisagés à des niveaux qui pourraient dépasser ceux observés au début des années 1900. Même les analystes les plus restrictifs s’attendaient à ce que le taux moyen des droits de douane américains n’augmente que jusqu’à 11 % (contre 2 à 3 % en 2024). Si l’on se fie aux chiffres avancés par Trump, le taux moyen des droits de douane américains finira autour de 25 % et pourrait même grimper davantage en cas de représailles à grande échelle. La Chine, comme prévu, a déjà riposté, augmentant les droits de douane de 34 % sur toutes les importations américaines et restreignant les exportations de métaux de terres rares. Bien sûr, les moins pessimistes interprètent ces mesures comme une manœuvre de l’administration américaine visant à négocier une baisse des droits de douane en échange d’un accès plus facile pour les produits américains ou d’autres avantages.
Les droits de douane actuellement envisagés par l’administration américaine porteront probablement un coup dur à la croissance américaine et mondiale, en plus d’être fortement inflationnistes, du moins pour les États-Unis, générant potentiellement un résultat stagflationniste. En réponse, on verra probablement une série de mesures politiques comme un assouplissement des politiques monétaire et budgétaire, des mesures commerciales de représailles, la négociation des droits de douane et des mouvements d’apaisement. Malheureusement, quelle que soit la réponse politique, compte tenu du niveau de détérioration du sentiment de risque et de la confiance vis-à-vis des politiques américaines, une récession mondiale en 2025 semble désormais bien plus probable.
Pour éviter un résultat aussi négatif en 2025, les politiques doivent changer rapidement. Cela pourrait être possible en Europe et au Japon, et dans une moindre mesure en Asie, où la politique budgétaire peut être assouplie de manière agressive, mais pas tellement aux États-Unis. Au niveau de droits de douane actuels, les droits perçus représenteraient plus de 3 % du produit intérieur brut (PIB)3. Au milieu des années 1930, le niveau le plus élevé des recettes douanières avait atteint 0,5 % du PIB4. Pourquoi ce niveau est-il tellement plus élevé aujourd’hui ? Mondialisation Le commerce mondial est beaucoup plus important aujourd’hui que dans les années 1930, et les importations représentent un pourcentage bien plus important de l’économie. En effet, les importations américaines dépassent les 3 000 milliards de dollars par an5. Pour rappel, les droits de douane sont une taxe sur les consommateurs et les entreprises des États-Uni. Cette hausse représenterait donc la plus forte augmentation d’impôt depuis les années 1960. Nous pensons que les conséquences d'une telle hausse d’impôt sont inquiétantes, avec à la clé un durcissement draconien de la politique budgétaire. Les estimations suggèrent une réduction de 1 % à 2 % du PIB, ce qui porterait le taux de croissance économique à zéro ou en-dessous6. L’affectation des recettes des droits de douane des États-Unis, au-delà de leurs implications inflationnistes, sera déterminante pour les perspectives économiques des États-Unis. Malheureusement, les changements de politique budgétaire sont à la merci du Congrès américain, qui est coincé dans un processus de résolution du budget qui prendra probablement jusqu’à la fin de l’été pour être résolu. Si les recettes tirées des droits de douane étaient réinvesties dans les ménages et les entreprises, les effets macroéconomiques négatifs pourraient être quelque peu atténués et réduire la probabilité d’une récession.
Quelle trajectoire pour la politique monétaire ? Les implications en matière d’inflation de la structure tarifaire annoncée devraient exercer une pression à la hausse sur les prix et compliquer le travail de la Réserve Fédérale (Fed). Les estimations de l’indice des prix à la consommation (IPC) vont de 3,5 % à 5 % pour 2025 et, comme l’a déclaré le président Jerome Powell le 4 avril, la Fed doit s’assurer que les hausses de prix apparemment ponctuelles ne se répercutent pas de manière permanente sur l’inflation, réduisant ainsi la capacité de la Fed à assouplir sa politique, du moins à court terme. En outre, les enquêtes de conjoncture de l’Institute for Supply Management (ISM) montrent déjà des signes de pressions inflationnistes naissantes au niveau des entreprises avec une baisse des commandes – preuve qu’une dynamique de stagflation est déjà à l’œuvre. Ainsi, même s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la Fed réduise ses taux d’intérêt en cas de ralentissement substantiel de l’économie, un ralentissement plus modeste ne devrait pas selon nous être vecteur d’une hausse des taux. Nous pensons que la Fed va faire preuve d’attentisme jusqu’à ce que l’on en sache plus, ce qui est peu probable avant juin au plus tôt. Toute baisse des taux interviendrait donc probablement au second semestre de l’année.
Cette dynamique stagflationniste semble pire aux États-Unis que dans le reste du monde. La croissance économique est touchée à l’échelle mondiale, mais l’impact inflationniste se fait principalement sentir aux États-Unis. Alors que la croissance américaine pourrait être négative aux premier et deuxième trimestres, l’inflation augmentera probablement considérablement. Un impact indirect récent est la forte baisse des prix de l’énergie, ce qui profite aux consommateurs (et aux entreprises) américains en atténuant une partie du choc inflationniste des droits de douane.
Le reste du monde subira également un choc de croissance. Mais l’UE, le Japon et la Chine sont de grandes économies disposant d’une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour répondre à la faiblesse économique en déployant, dans les mois à venir, des mesures d’assouplissement budgétaire agressives, en particulier dans l’UE. Par ailleurs, même si de telles mesures d’assouplissement ne sont pas déployées immédiatement, les attentes d’un changement de politique sont susceptibles de renforcer la confiance des ménages et des entreprises, soutenant ainsi la croissance.
En résumé, nous pensons que le risque de récession a augmenté partout. La bonne nouvelle, c’est que les fondamentaux économiques mondiaux étaient solides en ce début d’année. Cela devrait aider à amortir le choc. En effet, les États-Unis pourraient éviter une récession, mais les signes d’alerte abondent. L’éventualité de représailles constitue un risque baissier, tout comme la possibilité d’une nouvelle chute significative de la confiance des entreprises et une détérioration concomitante des marchés du travail. Outre la solidité des fondamentaux, l’assouplissement des politiques, potentiellement agressif, dans la plupart des pays du monde pourrait également compenser l’impact de ces mesures. Malheureusement, les États-Unis étant l’épicentre du choc, sont dans la position la moins favorable pour gérer le choc, en raison des blocages de la politique budgétaire et d’une Fed paralysée (du moins pour l’instant) par le risque de hausse de l’inflation.
Les rendements des obligations gouvernementales ont été bien soutenus. Les bons du Trésor américain ont repris leur trajectoire haussière, tandis que le marché baissier des obligations européennes en mars s’est transformé en marché haussier. Les rendements ont fortement baissé en l’espace de quelques semaines. L’ampleur de leur baisse dépendra de l’évolution à venir des droits de douane, des réponses politiques non tarifaires et de la performance des actions. Jusqu’à présent, les emprunts d’État ont progressé alors que les actions ont chuté (remplissant ainsi leur fonction de diversification). Pour de nombreux secteurs d’actions américaines, la baisse entre le pic et les niveaux actuels a été substantielle, ce qui suggère que la fin pourrait être proche si les mauvaises nouvelles cessent. Cela suggère également que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans, actuellement à 3,75 %, soit proche de son point bas de 2024, devrait résister en l’absence de mauvaises nouvelles supplémentaires (telles qu’un resserrement budgétaire aux États-Unis ou une escalade des droits de douane). Nous surpondérons légèrement le risque de taux d’intérêt et l’exposition au crédit, mais maintenons les expositions au risque à des niveaux bas au regard de nos normes historiques.
Les spreads de crédit, qui avaient déjà commencé à s’élargir en mars, ont suivi l’exemple des actions et sous-performent désormais à un rythme accéléré. Les pressions devraient perdurer compte tenu de l’actualité des droites de douane, mais les fondamentaux de crédit étaient assez solides avant l’événement, même si les valorisations étaient élevées. Alors que les économies ralentissent, l’absence de déséquilibres dans le secteur privé leur permettent d’être bien placées pour absorber une partie du choc. Par exemple, la part des émetteurs notés BBB- dans les indices de crédit Investment Grade est à un niveau historiquement bas7. Les rendements globaux des obligations d’entreprises américaines Investment Grade se maintiennent autour de 5 %-5,5 %, ce qui représente un rendement nominal et réel attractif tant que l’inflation revient, même lentement, à ses niveaux récents. Enfin, les entreprises ont tendance à devenir plus prudentes pendant les périodes tumultueuses, ce qui profite généralement aux créanciers. Cela suggère que les spreads pourraient ne pas s’élargir autant que lors des précédentes récessions. À un moment donné, avec une certaine différenciation entre les secteurs, nous pensons que les obligations d’entreprise constitueront un achat plus intéressant. L’exposition aux obligations Investment Grade en euro est légèrement préférée, étant donné la plus grande flexibilité de l’UE en matière de politique monétaire et budgétaire pour répondre au choc tarifaire. Le marché du High Yield est plus vulnérable, mais ici encore nous ne prévoyons pas d’élargissement vers les niveaux habituellement observés durant les phases de récession. Enfin, il est toujours possible que, conformément aux attentes de la plupart des investisseurs, les niveaux de droits de douane actuellement proposés soient négociés à la baisse au cours des prochains mois. Néanmoins, le mal a déjà été fait et les perspectives sont moins positives qu’auparavant compte tenu de la grande incertitude générée par le programme économique de l’administration américaine.
Les crédits titrisés et les MBS (Mortgage-Backed Securities) d’agences américaines ont été moins affectés par la récente volatilité que d’autres secteurs et restent notre surpondération favorite. Toutefois, la récente surperformance de ce secteur par rapport aux obligations d’entreprises a légèrement réduit sa valeur relative. Cela dit, le crédit titrisé n’est pas confronté aux mêmes problèmes que le secteur des obligations d’entreprises américaines en cette période d’incertitude économique accrue. Face au bruit de marché et aux incertitudes actuelles, nous pensons que ce segment a toutes les chances d’enregistrer des performances solides.
Sur le marché des devises et de manière quelque peu paradoxale, le dollar américain s’est déprécié en réaction à l’annonce des droits de douane par Donald Trump. Les droits de douane imposés par les États-Unis étaient censés être positifs pour le dollar, car ils devaient encourager les autres pays à laisser leur monnaie se déprécier pour en compenser les effets. Or, c’est le contraire qui semble se produire. Des pays comme la Chine restent sur leurs positions et ont résisté à la dépréciation de leur monnaie, misant sur la politique budgétaire pour compenser les effets des droits de douane, tandis que l’Europe, contrairement à ce que certains prédisaient, a annoncé des plans d’expansion budgétaire sans précédent. Ces choix politiques ont, du moins pour l’instant, affaibli le dollar, étant donné que la politique américaine semble aller dans la direction opposée, c’est-à-dire une politique budgétaire plus restrictive et une politique monétaire plus souple. On ne sait pas combien de temps cela va durer, car cela va dépendre de la mise en œuvre de ces politiques dans le monde. En tous cas, nous sommes à présent plus sceptiques quant à l’orientation des devises et préférons rester en retrait pendant cette période de transition.
Taux et devises des marchés développés
Analyse mensuelle
Après avoir initialement augmenté, les taux d’intérêt des marchés développés ont reculé en mars en raison de la faiblesse des marchés d’actifs risqués dans un contexte d’inquiétude accrue quant aux droits de douane. Les données économiques – en particulier les données prospectives – ont montré un affaiblissement du sentiment des consommateurs et des entreprises, parallèlement à une hausse des anticipations d’inflation, en particulier aux États-Unis. Lors de la réunion du FOMC de mars, la Fed a abaissé ses prévisions de croissance et relevé celles relatives à l’inflation, mais a également souligné que l’incertitude économique s’était accrue en raison d’inconnues politiques. Les statistiques de l’économie réelle, notamment le rapport sur l’emploi de février et les ventes au détail, ont été moins pessimistes. Toutefois, les marchés sont restés concentrés sur les risques baissiers menaçant la croissance tels que l’incertitude politique, la baisse de l’emploi dans le secteur public ou encore une détérioration de la confiance.
Dans la zone euro, le CDU/CSU et le SPD ont choqué les marchés en acceptant un projet de loi beaucoup plus important que prévu représentant 1 000 milliards d’euros dans les infrastructures et la défense, puis en réussissant à le faire adopter par le parlement allemand et en modifiant le frein à l’endettement (qui limite la capacité du gouvernement à gérer les déficits budgétaires). Cela a entraîné une hausse du rendement des Bunds allemands à 10 ans d’environ 30 pb le jour de la l’annonce, soit la plus forte variation journalière en plus de deux décennies. Toutefois, les actifs risqués européens ont largement surperformé les États-Unis, reflétant l’optimisme accru suscité par ces mesures de relance budgétaire. Le marché des Bunds a rebondi, la croissance mondiale et les inquiétudes liées au risque ayant soutenu les marchés des emprunts d’État, tout en restant à la traîne par rapport au rebond des bons du Trésor américain, malgré des perspectives d’inflation plus favorables dans la zone euro qu’aux États-Unis. Au Japon, les rendements ont augmenté pendant la majeure partie du mois, les données continuant à indiquer une dynamique d’inflation plus forte et une croissance résiliente, mais ils se sont repliés en fin de mois avec la hausse des inquiétudes liées à la croissance et au commerce mondial.
Sur les marchés des changes, le dollar américain a continué de se déprécier en raison du resserrement des différentiels de taux d’intérêt et de la faible performance des actions américaines. Les devises les plus performantes des marchés développés ont été les couronnes norvégienne et suédoise, qui ont bénéficié de l’amélioration du sentiment de risque en Europe.
Perspectives
Nous surpondérons la duration dans les pays développés, à l’exception du Japon, et conservons des positions anticipant une pentification des courbes des bons du Trésor américain et du Bund. Les obligations à courte échéance ont plus de potentiel de rebond si les perspectives de croissance se détériorent, car les banques centrales pourraient réduire leurs taux de manière plus agressive si la croissance ralentit, ce qui contribuerait à pentifier la courbe. Sur l’ensemble des marchés, nous continuons de surpondérer la duration en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni par rapport aux États-Unis et à l’Australie, dans la mesure où nous pensons que les banques centrales des premiers ont une marge de manœuvre pour baisser leurs taux plus importante que ce qui est actuellement attendu. Au Japon, nous avons récemment renforcé notre sous-pondération de la duration compte tenu de l’évolution positive des salaires et des prix et restons longs sur les points morts d’inflation. Nous continuons de privilégier le dollar australien et le dollar américain par rapport au dollar canadien, et conservons une opinion positive à l’égard du yen par rapport à différentes devises dont le won coréen et le dollar américain.
Taux et devises des marchés émergents
Analyse mensuelle
Les performances de la dette émergente ont été mitigées en mars. Les devises émergentes se sont généralement appréciées, le dollar américain, bien que restant fort en termes absolus, s’étant affaibli pendant la majeure partie de la période. Comme en février, la politique étrangère américaine a été volatile et la confiance des ménages est restée incertaine. Les spreads de crédit souverain se sont élargis, mais malgré la baisse des taux des bons du Trésor américain, le segment du crédit souverain de la classe d’actifs a enregistré une performance négative. Le crédit souverain équatorien a corrigé après un premier tour d’élection présidentielle étonnamment serré. Les spreads des obligations d’entreprises se sont également élargis, mais dans une moindre mesure que ceux des obligations souveraines et la baisse des taux des bons du Trésor américain a dopé la performance. Après un report initial des droits de douane de 25 % sur les produits en provenance du Mexique et du Canada, ceux-ci sont entrés en vigueur, mais ont ensuite été reportés une fois de plus. En Turquie, le président Erdogan a fait arrêter le maire d’Istanbul, son principal opposant, ce qui a suscité des inquiétudes quant à l’orthodoxie à l’avenir de la politique monétaire. La livre turque a fortement corrigé jusqu’à ce que la banque centrale intervienne. Les flux vers la classe d’actifs sont devenus négatifs tant pour la dette libellée en devise forte que pour celle en devise locale.
Perspectives
La dette émergente reste une classe d’actifs intéressante, surtout si l’on se concentre sur les fondamentaux des pays et les pays présentant un risque spécifique. Les inquiétudes liées à la politique étrangère américaine et aux droits de douane continuent d’alimenter la volatilité sur les marchés mondiaux. Nous continuons à surveiller l’impact potentiel que les droits de douane pourraient avoir sur les différents pays en nous concentrant sur les réactions politiques spécifiques à chacun. Un certain nombre de banques centrales des marchés développés et émergents ont abaissé leurs taux au cours du mois ; des opportunités subsistent dans le segment de la dette en devises locales. Trouver des opportunités d’investissement dans des pays moins sensibles à la volatilité mondiale peut apporter diversification et valeur ajoutée.
Obligations d’entreprises
Analyse mensuelle
En mars, les spreads des obligations Investment Grade européennes et américaines se sont élargis de 7 pb, le marché étant aux prises avec l’incertitude liée aux droits de douane et à la guerre commerciale à la suite de nouvelles annonces budgétaires européennes. Les mesures de dépense du chancelier Friedrich Merz, dont un fonds infrastructure de 500 milliards d’euros, ont marqué un changement significatif par rapport au conservatisme budgétaire de l’Allemagne, tandis que la Commission Européenne a annoncé 800 milliards d’euros supplémentaires pour la défense. L’incertitude en matière de droits de douane s’est prolongée, avec une hausse de 25 % sur l’aluminium et l’acier, et la menace d’une hausse de 200 % sur les vins et spiritueux européens. Les banques centrales ont également été au centre de l’attention, la BCE ayant réduit ses taux de 25 pb et sa présidente Christine Lagarde adoptant un ton prudent. La Banque d’Angleterre a maintenu ses taux inchangés avec un vote très majoritairement restrictif, et la réunion du FOMC a mis en évidence l’incertitude qui règne avec des projections économiques mitigées. Les données économiques ont affiché des résultats contrastés, avec une forte hausse des prévisions du ZEW allemand (indice économique), des PMI mitigés et des études américaines indiquant des risques de stagflation. Les tendances inflationnistes ont été notables : l’IPCH global en Europe a diminué et l’IPC sous-jacent aux États-Unis est ressorti plus faible que prévu. Les résultats des entreprises ont été conformes aux attentes, avec des marges solides et un effet de levier stable. Enfin, les facteurs techniques sont restés favorables, malgré un ralentissement des flux entrants, et les émissions primaires ont été dans le bas de la fourchette des attentes.
La performance des marchés américains et mondiaux du High Yield est devenue négative en mars, dans un contexte marqué par une forte volatilité, un élargissement des spreads et une nouvelle baisse de rendement des bons du Trésor américain. La décision prise en mars par la Fed de maintenir son taux directeur inchangé n’a pratiquement pas eu d’incidence. Les prévisions de deux baisses de taux plus tard dans l’année ont rapidement été éclipsées par des prévisions suggérant des baisses plus nombreuses, à mesure que s’intensifiaient les inquiétudes liées aux droits de douane et leurs conséquences économiques potentiellement désastreuses à court terme. Dans ce contexte volatil, le marché du High Yield a conservé une demande relativement soutenue et un volume d’émissions important en mars qui a été généralement bien accueilli par une base d’investisseurs réceptifs. Le segment le moins bien noté du marché du High Yield a globalement sous-performé sur une base absolue et relative, l’écart de spread moyen entre les segments B et CCC terminant le trimestre à près de 550 pb, contre un niveau d’un peu plus de 400 pb à fin janvier8.
Les obligations convertibles internationales ont généré des performances négatives à l’instar des autres actifs risqués en mars. Les performances difficiles de la classe d’actifs sont principalement attribuables à sa composante américaine, qui a été la plus affectée par les inquiétudes liées aux droits de douane et à leurs conséquences potentielles. Au final, les obligations convertibles internationales ont largement surperformé les actions internationales, mais ont sous-performé les obligations internationales. Les nouvelles émissions sont restées sur leur lancée de février, le mois de mars enregistrant le plus gros volume depuis mai 2024. Le volume du marché primaire a principalement été alimenté par les émetteurs américains, mais l’Europe et l’Asie hors Japon ont également enregistré un mois très actif. Les émissions ont atteint 13,3 milliards de dollars au cours du mois, ce qui porte à 22,8 milliards de dollars le montant total émis depuis le début de l’année9.
Perspectives
Notre scénario central reste optimiste vis-à-vis du crédit et repose sur l’anticipation d’un « soft-landing », des politiques budgétaires au service de la croissance, de l’emploi et de la consommation, et des fondamentaux d’entreprise solides, soutenus par des stratégies assez prudentes. Le niveau gérable des émissions nettes et la quête effrénée de « rendement global » sur le segment du crédit IG devraient imprimer une dynamique technique positive. Au vu des spreads de crédit, le marché semble offrir un potentiel de valorisation, mais le portage est bel et bien le principal moteur de performance, avec des gains potentiels supplémentaires grâce à l’allocation sectorielle et, de plus en plus, à la sélection de titres. Toutefois, compte tenu des incertitudes à moyen terme, nous ne parions pas sur un resserrement important des spreads.
À l’aube du deuxième trimestre, nous restons prudents à l’égard du marché High Yield. Ces perspectives tiennent compte de l’évolution dynamique et incertaine du commerce, de l’immigration et de la politique fiscale, des prévisions d’inflation plus persistante, du ralentissement de la croissance économique accompagné d’un risque accru de récession et d’une volatilité élevée. Les rendements restent historiquement attractifs et le spread moyen sur le marché High Yield, bien qu’il soit supérieur de plus de 95 pb au point bas atteint en janvier après la crise financière mondiale, reste susceptible de s’élargir davantage. Notre conclusion est le fruit d’une analyse approfondie de plusieurs facteurs : l’évolution des politiques monétaires mondiales, la croissance économique américaine et mondiale, la santé de la consommation, les fondamentaux des émetteurs High Yield, les facteurs techniques et les valorisations. En définitive, nous pensons que la prudence est de mise et tablons sur une réalisation plus globale des prix, en particulier sur les segments les moins bien notés et les plus en difficulté du crédit à effet de levier.
En ce début de quatrième trimestre, nous restons optimistes à l’égard du marché mondial des obligations convertibles. Les obligations convertibles ont conservé leur profil équilibré et ont généré des performances totales positives au cours d’un premier trimestre volatil. Compte tenu de sa caractéristique de plancher obligataire, nous pensons que la classe d’actifs restera attractive pour l’allocation de capital dans un contexte qui, d’après nous, devrait rester volatil. Enfin, nous tablons sur une reprise des émissions primaires malgré un premier trimestre décevant. Les entreprises devront continuer à équilibrer leurs besoins de financement avec des taux d’intérêt relativement élevés et l’évolution des politiques monétaires des banques centrales mondiales.
Titrisation
Analyse mensuelle
Les spreads des MBS d’agences à coupon courant se sont considérablement élargis en mars à l’instar des autres segments obligataires ; ils se sont élargis de 12 pb en mars pour se fixer 144 pb au-dessus des bons du Trésor américain. Les spreads des MBS d’agences restent élevés, tant par rapport aux autres segments obligataires clés que par rapport aux données historiques. Les avoirs en MBS de la Fed ont diminué de 14,0 milliards de dollars en mars, à 2 180 milliards de dollars et ont désormais diminué de 514,7 milliards de dollars par rapport à leur pic de 2022. Les avoirs des banques américaines ont légèrement augmenté en mars pour atteindre 2 670 milliards de dollars ; les avoirs en MBS des banques sont toujours en baisse de 334 milliards de dollars depuis le début de 202210. Après plusieurs mois de resserrement, les spreads du crédit titrisé se sont élargis dans le sillage des MBS d’agences et des turbulences plus générales sur les marchés en mars. Le mois de mars a suivi la tendance des deux mois précédents, caractérisée par d’importantes émissions. Cette offre a été bien absorbée, mais les spreads se sont souvent avérés plus larges qu’initialement envisagé en raison de la volatilité du marché et d’une taille générale plus large des spreads.
Perspectives
Nous anticipons un resserrement des spreads des MBS d'agences américaines, car nous tablons sur des flux entrants provenant des investisseurs en recherche de valeur relative et des banques, compte tenu du profil de rendement attractif de ce segment par rapport aux principaux segments clés du marché obligataire. Nous prévoyons un léger élargissement des spreads du crédit titrisé par rapport à leurs niveaux actuels, si les spreads des MBS d’agences restent à ces niveaux, car ils se négocient encore à des niveaux relativement proches de ces derniers. Les performances viendront essentiellement de l’effet de portage des flux de trésorerie dans les mois à venir, alors que nous abordons le mois d’avril avec des niveaux de rendement attractifs. Nous continuons de penser que les niveaux actuels des taux d’intérêt demeurent élevés pour de nombreux emprunteurs et vont continuer de pénaliser les bilans des ménages, ce qui engendrera des tensions sur certains titres adossés à des actifs (ABS) du secteur de la consommation, notamment ceux impliquant des emprunteurs à faibles revenus. L’immobilier commercial reste également confronté à des difficultés en raison des taux de financement actuels. Le crédit hypothécaire résidentiel demeure notre secteur de prédilection à l’heure actuelle et c’est le seul secteur où nous n’hésitons pas à investir dans l’ensemble du spectre du crédit, tandis que nous restons plus prudents vis-à-vis des ABS et des CMBS moins bien notés. Nous restons optimistes quant aux valorisations des MBS d’agences, qui restent attractives par rapport aux spreads des obligations d’entreprises Investment Grade et aux niveaux historiques des spreads des MBS d’agences.