Analyses
Décarbonation : Les principes de base
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Sustainable Investing
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avril 07, 2021
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Décarbonation : Les principes de base |
Le changement climatique est souvent cité comme étant l’une des principales priorités ESG des investisseurs. Cette problématique constitue d’ailleurs la première préoccupation citée par les détenteurs d’actifs dans l’édition 2020 de l’enquête Morgan Stanley Sustainable Signals.1 Ainsi, 95 % d’entre eux cherchent déjà, ou songent, à s’attaquer au changement climatique par le biais de leurs investissements thématiques ou de leurs investissements à impact.
Notre équipe a adopté une approche ESG centrée sur les questions importantes qui pourraient menacer ou renforcer les fondamentaux de l’entreprise et la durabilité des rendements. Nos gérants de portefeuille et notre responsable de la recherche ESG s’engagent de manière proactive auprès des équipes dirigeantes des entreprises, et cherchent notamment à comprendre les politiques et les pratiques environnementales qui pourraient affecter de manière significative la durabilité des rendements.
Le changement climatique occupe une place majeure dans ces discussions. Quels sont les éléments essentiels que les investisseurs doivent connaître ? Quel pourrait être l’impact économique du changement climatique ? Que signifient les émissions relevant des champs d’application 1, 2 et 3, et pourquoi les entreprises et les investisseurs devraient-ils prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur ? Quelles sont les options qui s’offrent aux investisseurs désireux de réduire l’empreinte carbone de leur portefeuille ? Comment un portefeuille d’actions de grande qualité peut-il les y aider ?
Ce document, le premier de notre série consacrée au carbone, se propose de faire le point sur ces cinq questions.
1. "Changement de climat 101"
Le changement climatique est unanimement considéré comme l’enjeu majeur de notre société. Ces dernières années ont vu un véritable changement de cap politique, à mesure que l’opinion publique se fait de plus en plus pressante et que le problème devient toujours plus urgent.
La science du climat n’est pas une science exacte, si l’on en juge par le nombre d’hypothèses que les scientifiques sont amenés à faire sur des choses qu’ils ne peuvent pas modéliser avec précision. Il existe néanmoins un consensus sur le fait que le changement climatique est rapide, qu’il est dû à l’homme, que nous ne le prenons pas assez à bras le corps et que nous devons nous atteler dès aujourd’hui à prévenir les dommages extrêmes qui pourraient s’avérer irréversibles.
Au-delà de l’impact physique direct du changement climatique, les investisseurs attachent une grande importance aux répercussions qu’il entraîne sur le plan politique, sur le comportement des consommateurs et sur les entreprises et leur valorisation (le « risque de transition »).
Le monde se réchauffe indubitablement, et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (le plus important organe scientifique mondial sur le climat, qui compte 195 pays membres) estime que nous atteindrons une température supérieure de 1,5 °C aux niveaux préindustriels dans seulement vingt ans si aucune mesure n’est prise (illustration 1).
QU’ENTEND-ON PAR RISQUES DE TRANSITION ? « Alors que les risques physiques liés au changement climatique ont été étudiés pendant de nombreuses années, les risques de transition sont un domaine relativement nouveau… Les risques de transition sont ceux associés à l’évolution vers une économie moins polluante et plus verte. Ce type de transition pourrait se matérialiser par des modifications importantes de la valeur des actifs dans certains secteurs de l’économie ou par une augmentation des coûts opérationnels… À mesure que les entreprises divulgueront davantage d’informations sur le changement climatique, les institutions financières seront en mesure de prendre des décisions plus pertinentes ». – KnowledgeBank de la Banque d’Angleterre : « Changement climatique : quels sont les risques qui pèsent sur la stabilité financière ? » |
Les scientifiques attribuent la hausse des températures à l’effet de serre induit par l’homme. Le dioxyde de carbone en est la cause principale. Comme le montre l’illustration 2, les concentrations actuelles de CO2 dans l’atmosphère sont déjà nettement supérieures à celles des centaines de milliers d’années passées, et la vitesse et le niveau de cette augmentation laissent penser que la majeure partie de celle-ci est due à l’activité humaine.
POURQUOI EST-IL IMPORTANT DE LIMITER LE RÉCHAUFFEMENT DE LA PLANÈTE À SEULEMENT 1,5 °C ?
Le réchauffement climatique ne sera pas homogène. Le climat va devenir plus instable et les régimes climatiques seront perturbés, entraînant des vagues de chaleur à certains endroits et des ouragans et des inondations à d’autres.
La liste des risques physiques directs liés au changement climatique qui en pourraient en résulter est longue : dégâts causés par les phénomènes météorologiques extrêmes et l’élévation du niveau de la mer, stress hydrique, mauvaises récoltes et baisse des rendements, baisse du volume de la pêche, augmentation de la mortalité et baisse de la productivité de la main-d’œuvre dans les pays chauds, entre autres.
Mais il existe un danger plus important à long terme : arrivé à un certain stade du processus de réchauffement, certains mécanismes naturels vont s’enclencher et le réchauffement va s’autoentretenir et devenir inéluctable. Il s’agit notamment de l’effet d’albédo (à mesure que la glace polaire fond, elle réfléchit moins de lumière vers l’espace), de la libération de méthane par la fonte du pergélisol et du dépérissement de la forêt tropicale amazonienne, pour ne citer que quelques exemples. Ces conséquences sont impossibles à modéliser exactement, ce qui explique le grand nombre de scénarios climatiques.
Quoi qu’il en soit, les dommages causés pourraient être irréversibles, et nos actions au cours des prochaines décennies détermineront le sort de notre planète pour les siècles à venir.
RÉCHAUFFEMENT PLANÉTAIRE OU CHANGEMENT CLIMATIQUE ? « Nous parlons généralement de réchauffement généralisé, mais ce phénomène entraîne un ensemble de changements sur le climat terrestre, ou sur les régimes météorologiques à long terme, qui diffèrent d’un endroit à l’autre Alors que beaucoup de gens considèrent que réchauffement planétaire et changement climatique sont synonymes, les scientifiques utilisent les termes "changement climatique" pour décrire les changements complexes qui affectent actuellement les systèmes météorologiques et climatiques de notre planète, et ce notamment parce qu’à court terme, certaines régions se refroidissent ». – National Geographic ?’ |
L’OBJECTIF DU « ZÉRO NET » D’ICI 2050 EST DÉSORMAIS UN IMPÉRATIF MONDIAL
Le consensus actuel est que nous devons atteindre une décarbonation complète — le « zéro net » — d’ici 2050.
L’illustration 3 modélise la baisse drastique, avec effet immédiat, des émissions de CO2 nécessaire pour atteindre le zéro net d’ici 2055 et 2040.
La plupart des gens ne sont pas conscients que les objectifs de réduction des émissions du GIEC, souvent cités, ne tablent que sur une probabilité de 50 à 66 % de limiter le réchauffement climatique aux objectifs de température fixés.
Source : 15e rapport d’évaluation du GIEC, octobre 2018 — Tendance des émissions mondiales nettes de CO2
Pour éviter un changement climatique potentiellement catastrophique avec une certitude de 100 %, le monde dispose de moins de temps encore pour se décarboniser. Again décarbonisationDécarbonisationDécarbonisationDécarbonisationDécarbonisation Si l’on veut limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C, les experts estiment qu’il nous reste peut-être moins de dix ans, car le « budget carbone » restant (c’est-à-dire les émissions futures que nous sommes « autorisés » à produire avant d’atteindre la limite de concentration de CO2 dans l’atmosphère) est beaucoup plus faible dans ce scénario (voir l’illustration 4).
2. Quel est l’impact économique du changement climatique ?
Étant donné l’absence de précédent historique, l’impact économique du changement climatique est encore plus difficile à prévoir que son impact physique. On comprend encore mal les liens exacts qui existent entre l’économie et la température de la planète, et les économistes ne sont pas encore parvenus à un consensus. En revanche, nous savons que l’impact de la hausse des températures sur les écosystèmes et les êtres humains n’est pas linéaire et l’on ne peut ignorer l’existence de points de non-retour (voir l’illustration 5).
Différentes études académiques ont tenté d’évaluer l’impact global d’un changement climatique non atténué sur le produit intérieur brut (PIB) mondial. Nombre d’entre elles aboutissent à un impact cumulé mondial assez modeste, moins de 7 % de la production mondiale en 2100, par rapport à un scénario sans changement climatique. Cet ensemble d’études a été critiqué pour diverses raisons. Certaines études plus pessimistes concluent à un impact beaucoup plus important : une perte allant jusqu’à 50 % du PIB mondial d’ici 2100 dans un scénario d’émissions inchangées, par rapport à un scénario sans impact du changement climatique.
UNE AGGRAVATION DES INÉGALITÉS
Le problème que soulève une analyse du PIB mondial est que la majeure partie de celui-ci est actuellement produite par des pays riches, généralement plus froids. Certains d’entre eux, comme le Canada par exemple, pourraient en réalité bénéficier à moyen terme du réchauffement climatique.
Mais la plupart des effets négatifs se feront probablement sentir dans les pays plus pauvres et plus chauds dont la contribution au PIB mondial est moindre. Par conséquent, l’impact nominal lié aux effets de la réduction de la productivité économique des pays globalement plus pauvres sur le PIB mondial risque de sous-estimer l’impact réel sur la population mondiale et donc l’impact social à long terme sur le monde entier.
Par exemple, l’illustration 6, tirée d’un document de 2015 des universités de Stanford et de Berkeley, met en évidence l’impact disproportionné du changement climatique sur les pays les plus pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Selon ses auteurs, le changement climatique pourrait réduire structurellement le taux de croissance de ces pays de plus d’un point de pourcentage par an. Une telle augmentation des inégalités et des divergences, cumulées pendant des décennies, conduirait inévitablement ces pays à ne jamais sortir du piège de la pauvreté.
Selon ses auteurs, le changement climatique pourrait réduire structurellement le taux de croissance de ces pays de plus d’un point de pourcentage par an. Une telle augmentation des inégalités et des disparités, cumulées pendant des décennies, conduirait inévitablement ces pays à ne plus jamais pouvoir sortir du piège de la pauvreté.
Une crise climatique localisée dans les pays les plus pauvres pourrait créer sa propre spirale négative, avec par exemple une augmentation de l’instabilité politique et du nombre de conflits, à l’origine de millions de réfugiés climatiques. Ceci pourrait avoir des répercussions sur la politique et les relations internationales, le commerce, les investissements et donc la croissance économique mondiale.
En résumé, si la portée de l’impact économique n’est pas encore clairement établie, de nombreux experts estiment que nous nous dirigeons vers une croissance plus faible et une moindre prévisibilité. Étant donné l’importance de ces facteurs en matière de valorisation sur les marchés actions, les investisseurs ne peuvent pas se permettre d’ignorer les risques liés au changement climatique au sein de leurs portefeuilles.
3. Les émissions de carbone en détail
Le secteur le plus polluant est celui de la production d’électricité et de chaleur, avec 42 % des émissions. Les transports arrivent en deuxième position avec environ 24 %, suivi de l’industrie avec 19 %. Cela laisse à penser que, puisqu’ils sont les deux plus grands contributeurs aux émissions mondiales de carbone, les services aux collectivités et les entreprises du secteur des transports pourraient être les plus touchés par les mesures prises par les pouvoirs publics et par les bouleversements technologiques. Nous aborderons cette question plus en détail dans un document ultérieur.
Sur le plan régional, la Chine est aujourd’hui le principal émetteur, et ses émissions ont considérablement augmenté depuis 2000. La politique de la Chine en matière de carbone est donc bien plus importante que beaucoup ne le pensent. Les États-Unis et l’UE sont maintenant respectivement en deuxième et troisième position et leurs émissions ont globalement diminué depuis une dizaine d’années (illustration 8).
QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LES CHAMPS D’APPLICATION 1, 2 ET 3 ?
Pour évaluer les gaz à effet de serre (GES), les émissions ont été réparties en trois champs d’application :
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Le plus simple est de considérer ces trois champs comme des cercles concentriques, avec au centre le champ d’application 1, suivi des champs 2 et 3.
Les émissions des champs d’application 1 et 2 sont relativement simples à évaluer et sont régulièrement déclarées par la plupart des entreprises. Environ 80 % des émissions des champs d’application 1 et 2 de l’indice MSCI World sont concentrées dans seulement trois secteurs : les services aux collectivités, l’énergie et les matériaux.
Les émissions relevant du champ d’application 3 sont plus difficiles à quantifier. Elles peuvent être beaucoup plus élevées que celles des champs 1 et 2, mais historiquement, les entreprises n’ont jamais eu vraiment de contrôle direct sur ces émissions. Il existe peu de données exhaustives disponibles par entreprise, et le double comptage peut se révéler être un problème lorsqu'on les compare entre elles. Par exemple, les émissions de CO2 liées à l’aluminium produit pour une canette de Coca-Cola pourraient être prises en compte dans le calcul des émissions de la fonderie d’aluminium (émissions directes), du fabricant de canettes, de l’embouteilleur de Coca-Cola et du détaillant (émissions indirectes). À qui attribuer ces émissions ?
Dans l’exemple de l’illustration 9, le champ d’application 3 représente plus de 96 % des émissions d’Unilever, selon leurs estimations. 63 % de toutes ces émissions sont créées par le consommateur, par exemple en allumant sa bouilloire ou en utilisant de l’eau chaude. Ces émissions sont dues à la combinaison énergétique du fournisseur d’électricité du consommateur, et non à Unilever. La société n’a qu’un contrôle très limité sur les choix énergétiques de ses utilisateurs ou de ses fournisseurs.
POURQUOI LES ENTREPRISES DEVRAIENT-ELLES PRENDRE EN COMPTE L’ENSEMBLE DE LA CHAÎNE DE VALEUR ?
Comme nous l’avons vu, la mesure des émissions relevant du champ d’application 3 est très complexe. Mais si les entreprises peuvent mieux comprendre l’ensemble des émissions de leur chaîne de valeur et identifier où se situent les risques, cela peut les aider à fixer des objectifs de réduction significatifs, à s’engager auprès de leurs fournisseurs et de leurs autres partenaires, à améliorer leur communication avec les parties prenantes et, par voie de conséquence, leur réputation. Et, bien sûr, ce faisant, elles sont à même de jouer leur rôle en matière de décarbonation. Nous reviendrons sur les actions menées au niveau des entreprises dans un document ultérieur.
4. La gestion du carbone dans un portefeuille : quelles options pour les investisseurs ?
Schématiquement, les investisseurs en actions cotées qui se préoccupent des émissions de carbone ont à leur disposition deux grandes possibilités :
I. INVESTIR DANS DES ENTREPRISES SPÉCIALISÉES DANS LA DÉCARBONATION OU DANS LES FACILITATEURS DE TRANSITION
Les investisseurs peuvent choisir d’investir dans des entreprises dont les activités principales contribuent directement à la décarbonation, comme le secteur des énergies renouvelables. Cette approche assimilable à une stratégie d’impact peut être difficile à mettre en œuvre à grande échelle. Les entreprises du sous-ensemble « Production d’énergie alternative » de Factset ne représentent que 0,24 % de la capitalisation boursière de l’indice MSCI World (au 31 août 2020). On peut également affirmer qu’il s’agit d’un segment de marché de moindre qualité, ce qui pourrait affecter les performances à long terme. Selon Bloomberg, en 2019, les entreprises de l’indice S&P Global Clean Energy ont enregistré un rendement moyen du capital de seulement 3,1 % et un rendement des flux de trésorerie négatif de -4,6 %.
En raison de la rareté de ces entreprises spécialisées, une autre approche, complémentaire, consiste à investir dans des entreprises qui sont peu, mais de plus en plus, exposées aux secteurs d’activité qui contribuent à la transition énergétique. Il s’agit par exemple d’industriels « traditionnels » qui fournissent des équipements pour les réseaux intelligents ou les énergies renouvelables. Bien que cette approche permette d’élargir le spectre, cela reste une niche. Selon FTSE Russell, seuls 6 % du marché actions mondial (en termes de capitalisation) pourrait être qualifié de « vert » en 2017, ce qui inclut les activités liées à la transition. De même, MSCI estime que seulement 15 % des sociétés de l’indice MSCI All Countries World ont plus de 5 % de leurs revenus conformes au projet de taxonomie durable de l’UE (mars 2020).
Étant donné leur nature plus spécialisée et opportuniste, ces investissements s’inscrivent souvent dans la partie « satellite » d’une approche « core-satellite », et certains investisseurs les déploient dans le cadre de leur stratégie de « désinvestissement/investissement ».
« La façon la plus pertinente de mesurer l’impact de nos activités sur les gaz à effet de serre est de considérer l’intégralité du cycle de vie de nos produits. Une mesure précise de notre empreinte en matière de GES et une communication transparente de celle-ci nous aident à adapter notre stratégie, à fixer des objectifs ambitieux et à évaluer nos progrès… Le changement climatique est un facteur de risque majeur pour notre entreprise et pour la société en général… Limiter le changement climatique commence par réduire notre propre impact environnemental ». – Unilever |
II. CHERCHER À MINIMISER L’INTENSITÉ CARBONE DE LEURS PORTEFEUILLES
Par opposition, une approche axée sur la réduction du carbone peut être mise en œuvre immédiatement. Il existe un nombre de plus en plus important d’options, en particulier dans la sphère de la gestion passive, allant de l’exclusion et du désinvestissement en passant par la repondération ou l’optimisation jusqu’à la sélection traditionnelle.
Certains investisseurs ont choisi de se désengager des entreprises qui détiennent des réserves de combustibles fossiles afin de gérer le risque lié aux actifs « échoués » et de rendre publiques leurs préoccupations concernant le changement climatique. D’autres estiment toutefois que cette approche présente des inconvénients. En effet, elle ne tient pas compte des émissions actuelles des autres secteurs à forte intensité de carbone qui ne possèdent pas de réserves de combustibles fossiles (par exemple, les services aux collectivités), de sorte qu’elle ne permet pas d’obtenir l’empreinte carbone la plus faible.
Nous avons ainsi récemment assisté à une prolifération d’indices et d’ETF assortis de critères bas carbone. Les pondérations de l’indice sont modulées en fonction de l’intensité carbone de chaque entreprise, afin d’offrir aux investisseurs une large exposition au marché (et donc une tracking error minimale par rapport à un indice de référence standard), mais avec une empreinte carbone optimisée et réduite. Cette approche tient compte à la fois des émissions actuelles et des réserves de combustibles fossiles.
MICROSOFT ET SON RAPPORT SUR LE CHAMP D’APPLICATION 3 En janvier 2020, Microsoft a annoncé avoir pris l’engagement de présenter un bilan carbone négatif d’ici 2030. L’entreprise a également modifié ses objectifs en matière de carbone et son système de tarification interne pour inclure toutes les émissions relevant du champ d’application 3. Elle a souligné avoir beaucoup de travail à faire pour gérer les émissions du champ d’application 3. L’entreprise travaille en étroite collaboration avec ses fournisseurs, et ceux dont les émissions sont relativement plus élevées pourraient se retrouver en situation de désavantage concurrentiel. |
Les stratégies indicielles sont la voie choisie par de nombreux investisseurs, mais cette approche peut à elle seule diluer le résultat souhaité en termes d’impact carbone. Par exemple, dans un échantillon de vingt ETF mondiaux à faible intensité carbone , américains, EAEO et européens (selon la classification de Morningstar), la moyenne pondérée de la réduction de l’intensité carbone des champs d’application 1 et 2 était de 49 % (avec une réduction comprise entre 2 % et 77 %) en comparaison de l’indice de référence pertinent. Nous pensons qu’il est possible de faire encore mieux.
5. Réduire son exposition au carbone grâce à un portefeuille de haute qualité et de forte conviction
En tant qu’investisseurs actifs, nous pensons naturellement qu’investir dans un indice n’est pas la meilleure façon de faire fructifier son patrimoine. Pour ceux qui recherchent une stratégie active, il est un point qui n’est peut-être pas aussi évident que cela : il n’est pas nécessaire d’investir explicitement dans une stratégie centrée sur l’environnement pour obtenir une faible empreinte carbone.
Selon nous, investir dans un portefeuille concentré de titres aux rendements élevés et prévisibles, dont la valeur repose sur des actifs incorporels plutôt que physiques, est un moyen sûr de réduire considérablement son exposition au carbone sans pour autant sacrifier le rendement à long terme.
Un effet secondaire naturel de notre approche fondée sur la haute qualité est que nos stratégies mondiales ont une empreinte carbone inférieure de 90 à 95 % à celle du MSCI World pour ce qui est des champs d’application 1 et 2, et inférieure d’environ 80 % pour ce qui est des champs d’application 1, 2 et 3.
En réalité, il existe une forte corrélation inverse entre le rendement du capital investi (ROOCE, pour « returns on operating capital employed », la mesure sur laquelle nous nous concentrons lorsque nous évaluons la qualité des entreprises) et l’intensité carbone. Les entreprises de haute qualité et à ROOCE élevé sont non seulement des valeurs de capitalisation stables, mais elles ont également une empreinte carbone structurellement plus faible. La pollution est en effet un exercice coûteux en capital.
COMMENT CELA SE FAIT-IL ?
Au regard de la thématique du carbone, la plupart des entreprises de haute qualité que nous détenons peuvent être classées dans deux catégories.
Ces entreprises peuvent avoir d’importantes émissions indirectes appartenant au champ 3 en amont de leur chaîne d’approvisionnement (par exemple les matières premières et les emballages), et c’est pourquoi nous nous attachons à comprendre comment les entreprises les gèrent. Néanmoins, pour ce qui est des émissions associées à l’utilisation de leurs produits (champ 3 en aval), ceux-ci n’en génèrent généralement pas (prendre un comprimé, boire, appliquer une crème pour la peau) ou relativement peu (prendre une douche ou cuisiner), par rapport à des activités plus gourmandes en énergie, telles que conduire une voiture à essence ou faire voler un avion. À mesure que la production d’énergie sera décarbonée, grâce à la croissance des énergies renouvelables, et que les ménages passeront à l’énergie verte, ces émissions devraient diminuer.
UNE SENSIBILITÉ RÉDUITE À LA TARIFICATION DU CARBONE
Ce ratio émissions de carbone/ventes plus faible est la principale raison pour laquelle l’exposition des valeurs de capitalisation au risque carbone est nettement inférieure à la moyenne. Elles bénéficient également de marges bénéficiaires plus élevées que la plupart des entreprises dites « brunes », ce qui réduit encore la sensibilité de leurs bénéfices à la tarification du carbone. Comme le montre l’illustration 12, la sensibilité des bénéfices d’Arcelor Mittal au prix du carbone est 300 fois plus élevée que celle d’Alphabet et 22,6 fois plus élevée que celle de L’Oréal.
Qui plus est, les entreprises que nous détenons en portefeuille bénéficient d’une faible élasticité des prix, d’un pouvoir de fixation des prix important et de revenus non discrétionnaires et récurrents. Dès lors, le prix du carbone relatif aux émissions produites tout au long du cycle de vie de leurs produits ne devrait avoir qu’un impact minimal sur la demande.
UN RISQUE MOINS ÉLEVÉ FACE AUX TENDANCES DE RUPTURE STRUCTURELLES
Enfin leur dernier atout, mais non des moindres, est qu’elles ne devraient pas souffrir des ruptures technologiques et des politiques liées à la décarbonation, contrairement aux industries situées au cœur de la problématique du carbone (par exemple, l’automobile, les métaux, les combustibles fossiles). Leurs produits et leurs services ne sont pas autant menacés par des alternatives moins émettrices de carbone. Parmi les exemples ci-dessus, le passage aux véhicules électriques aura un impact direct sur les compagnies pétrolières et les constructeurs automobiles, tandis que la décarbonation de l’énergie domestique n’aura probablement pas d’impact négatif direct sur les produits d’Unilever. Au contraire, leur utilisation n’en sera que plus respectueuse de l’environnement.
Il est de bon ton d’évoquer la voracité en énergie des centres de données des fournisseurs de services informatiques en "cloud", mais malgré la croissance remarquable du cloud, l’intensité carbone relevant des champs d’application 1 et 2 des grandes sociétés de logiciels reste très faible. Elles ont en outre fait de grands progrès pour alimenter leurs centres de données avec des énergies renouvelables. Alphabet est aujourd’hui l’un des plus gros acheteurs directs d’énergies renouvelables. De plus, bien que la consommation d’énergie propre de ces entreprises ait augmenté, elles ont tout de même permis de réduire l’intensité énergétique de l’informatique pour tous, puisque le cloud représente une économie d’énergie importante par rapport à un système informatique sur site. Une tendance que la COVID-19 a d’ailleurs amplifiée. |
Conclusion
Les responsables politiques s’accordent de plus en plus à reconnaître l’urgence d’une réforme pour lutter contre le changement climatique. Ignorer le risque climatique auquel sont exposés les portefeuilles est devenu un risque en soi, et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone devrait faire évoluer en conséquence la palette des opportunités. Le rôle joué par les parties prenantes dans les approches ESG des détenteurs d’actifs est également plus important : l’édition 2020 de l’enquête Morgan Stanley Sustainable Signals a révélé que le principal vecteur de l’adoption de l’investissement durable est désormais la demande des investisseurs, suivie par le potentiel de rendement financier.
Les détenteurs d’actifs sont aujourd’hui confrontés à une surabondance de propositions pour intégrer la question du changement climatique au sein de leurs portefeuilles. Selon nous, l’un des moyens les plus probants pour accroître le capital des investisseurs sur le long terme et réduire l’empreinte carbone des portefeuilles est de détenir des entreprises de haute qualité et dotées d’un rendement du capital investi durablement élevé. Ce faisant, nous répondons aux préoccupations croissantes des parties prenantes sur l’un des problèmes les plus urgents auxquels notre planète est confrontée.
Retrouvez d’autres informations dans notre série consacrée au carbone, notamment :
L’impact de la décarbonation : politiques publiques, outils et impact pour l’industrie
Contributions à la décarbonation : études de cas sur les politiques, les objectifs et l’engagement des entreprises
Considérations sur les risques
Il ne peut être garanti qu’un portefeuille atteindra son objectif d’investissement. Les portefeuilles sont sujets au risque de marché, c’est-à-dire à la possibilité que la valeur de marché des titres en portefeuille baisse. Les valeurs boursières peuvent varier quotidiennement en fonction de facteurs économiques ou d'autre nature (par ex. catastrophes naturelles, crises sanitaires, terrorisme, conflits et troubles sociaux) qui ont des répercussions sur les marchés, les pays, les entreprises ou les gouvernements. Il est difficile de prévoir le calendrier, la durée et les éventuels effets négatifs (par ex. liquidité du portefeuille) liés à de tels événements. En conséquence, cette stratégie expose l’investisseur à des pertes potentielles. Nous attirons votre attention sur le fait que cette stratégie peut comporter d’autres types de risques. L’évolution de l’économie mondiale, des dépenses et des préférences de consommation, de la concurrence, de la démographie, des réglementations publiques et des conditions économiques peut pénaliser les sociétés internationales et peut avoir un impact négatif plus prononcé sur la stratégie que si les actifs de la stratégie étaient investis dans un éventail plus large de sociétés. En général, la valeur des actions varie également en fonction des activités spécifiques d’une entreprise. Les investissements sur les marchés étrangers s’accompagnent de risques particuliers, notamment les risques de change, politiques, économiques et de marché. Les actions de sociétés à petites capitalisations présentent des risques spécifiques, tels que des gammes de produits, des marchés et des ressources financières limités, et une volatilité supérieure à celles des entreprises à grandes capitalisations plus solidement établies. Les risques associés aux investissements dans les marchés des pays émergents sont plus élevés que sur les marchés développés étrangers. Les portefeuilles peu diversifiés investissent dans un nombre plus restreint d’émetteurs. De ce fait, toute évolution de la situation financière ou de la valeur de marché d’un émetteur donné est susceptible d’entraîner une volatilité accrue.
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Head of ESG Research
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Executive Director
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