Analyses
Perspectives 2021 - Plongée dans la nouvelle décennie : les nouvelles années 20, follement rugissantes ou follement inquiétantes ?
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2021 Outlooks
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décembre 22, 2020
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Perspectives 2021 - Plongée dans la nouvelle décennie : les nouvelles années 20, follement rugissantes ou follement inquiétantes ? |
Le mois de novembre a été marqué par une envolée spectaculaire des marchés. L’indice MSCI World s’est adjugé 13 % sur la période, sa plus forte hausse depuis janvier 1975. Des nouvelles exceptionnelles ont certes été annoncées, trois candidats vaccins dépassant largement le seuil minimal exigé de 50 % d’efficacité. Ces succès ouvrent des perspectives réelles de retour à une situation proche de la « normale » au second semestre 2021 ; ils mettront peut-être un terme au cycle infernal des contaminations et des confinements qui a resurgi cet automne aux États-Unis, en Europe et dans l’ensemble de l’hémisphère Nord. Par ailleurs, le monde a poussé un soupir de soulagement en constatant que les États-Unis se préparaient à une transition pacifique du pouvoir. Autre facteur positif, en l’absence d’une réelle « vague bleue » démocrate, la probabilité d’une hausse significative de l'impôt sur les sociétés ou d’un durcissement radical de la réglementation diminue, ce qui devrait protéger la rentabilité des entreprises américaines, en particulier celle des géants technologiques.
Si l’actualité du mois s’est révélée clairement favorable, le problème est de déterminer si le marché est allé trop loin trop vite. À la fin du mois d’octobre, avant le « mois des miracles », l’indice MSCI World n’avait que peu évolué depuis le début de l’année ; il s’est aujourd'hui stabilisé à plus de 50 % au-dessus de son plus bas de mars, affichant à fin novembre une performance annualisée de 12 %, supérieure à la moyenne. Cela laisse supposer qu’à long terme, les perspectives de profit des entreprises pourraient être meilleures qu'en début d'année, en dépit des conséquences de la pandémie qui, selon les anticipations du Fonds monétaire international (FMI), devraient provoquer une contraction du produit intérieur brut (PIB) mondial de 4,4 % cette année et ont entraîné une chute de 9 % des bénéfices prévisionnels, en cumul annuel.
Il convient de souligner qu’au début de l’année, la bourse n’était pas particulièrement bon marché ; après la hausse de 26 % enregistrée en 2019, les actifs étaient tous entrés dans une phase de réévaluation dans le sillage d’un léger repli des profits. Dans ce contexte, le multiple cours-bénéfice à 12 mois s’élève à 20x, alors que cet indicateur n’avait pas franchi la barre des 17x depuis 2005. Avec une année supplémentaire de redressement des résultats, le multiple cours-bénéfice à deux ans, à 17,7x, demeure 15 % supérieur au plus haut de 15,4x enregistré avant 2020. Nous sommes visiblement bien passés en mode « prise de risque ».
Même en tablant sur la dissipation des effets directs de la pandémie et l’allégement des règles de confinement et d’isolation volontaire d’ici la fin du second semestre, grâce à la vaccination progressive des populations, la pandémie de Covid-19 laissera néanmoins des traces. Elles se manifestent dans l’accélération de trois grandes tendances déjà installées.
La première concerne le changement de braquet dans l’adoption des technologies. Le commerce en ligne connaît un essor fulgurant, à l’instar du travail à distance, tandis que les achats en espèces sont remplacés par les règlements par cartes de paiement et que les entreprises migrent vers le « cloud » leurs infrastructures informatiques sur site. Cette accélération technologique fait à l’évidence des gagnants et peut, plus généralement, donner aux entreprises l’opportunité de réduire durablement leurs coûts, en économisant par exemple de l’espace de bureau ou en faisant appel à de nouvelles équipes établies en télétravail dans des localisations meilleur marché. Mais elle laisse aussi des perdants, que ce soit la distribution traditionnelle sans offre commerciale exclusive, les acteurs de l’immobilier ou les entreprises gestionnaires d'infrastructures hébergées sur site.
La deuxième tendance est l’intensification des interventions gouvernementales. L’ampleur inédite du soutien pendant la pandémie a probablement renforcé l'interventionnisme déjà grandissant des États dans l’économie. L’époque où les économies étaient gérées pour le seul profit des grandes entreprises semble sur le point de s’achever ; en témoignent les freins à la liberté du commerce, le retour des actions antitrust, les pressions en faveur d'une hausse de l’impôt sur les sociétés et les premiers efforts pour rééquilibrer les relations entre le travail et le capital, en augmentant le niveau du salaire minimum par exemple. La lutte contre les effets du changement climatique pourrait être la plus importante des mutations, avec la progression de la tarification du carbone et des restrictions imposées aux activités polluantes. Les optimistes souligneront le probable blocage législatif aux États-Unis, voire l’éventualité d’une vague d’investissements lucratifs dans les infrastructures vertes. A contrario, la plupart des éléments du statu quo sur les activités gourmandes en carbone pourraient devenir économiquement non viables ou même être la cible d’interdictions.
La dernière tendance dopée par la pandémie est la croissance de la dette. Le taux d'épargne des particuliers a certes fortement augmenté, sous l’effet des aides gouvernementales et de la disparition de certains postes de consommation sociale, tels que les vacances ou les repas au restaurant. Il n’en va pas de même dans le secteur des entreprises qui ont encore un peu plus creusé leur dette. Selon les estimations de Moody’s, les émissions « investment grade » progresseront de 60 % cette année et même le segment du haut rendement devrait connaître une hausse de 25 %. Ce n’est pourtant rien comparé à l’aggravation de la dette publique des États, alourdie par les mesures adoptées pour protéger les économies de la pandémie. À lui seul, le déficit public américain s’est détérioré de 4000 milliards de dollars depuis le début de l’année, pour se stabiliser aujourd’hui à 107 % du PIB.1 De nouveau, dans un scénario optimiste, les consommateurs renouant avec la liberté augmenteraient considérablement leurs dépenses en 2021 et 2022 et réduiraient donc leur taux d’épargne, tandis que les gouvernements continueraient de stimuler la demande en maintenant des déficits élevés, encouragés par des banques centrales accommodantes et une attitude jusqu’ici tolérante des marchés obligataires. La croissance repartirait donc fortement à la hausse, sans provoquer, espérons-le, de rebond sensible de l’inflation ou des taux d’intérêt susceptible d’effrayer les marchés. Les scénarios moins favorables se situent aux deux extrêmes de ce scénario « Boucle d’or » : soit trop froid à cause de la frilosité des consommateurs ou des coupes budgétaires des gouvernements, soit trop chaud, si la reprise faisait grimper l’inflation et les taux.
Les trois tendances ont toutes potentiellement des effets favorables : les entreprises gagnent en efficacité, les investissements dans les infrastructures vertes stimulent l’économie et la faiblesse des taux d’intérêt permet aux gouvernements de continuer à dépenser. Dans un contexte où le consommateur retrouve la possibilité de dépenser son épargne, les plus enthousiastes des commentateurs tablent sur le retour des années folles en mode « rugissant », sans se soucier sans doute de la manière dont la décennie des années folles s’est achevée la dernière fois. Ces scénarios positifs sont possibles et plusieurs sont même probables, mais ce qui nous inquiète c’est qu’ils pourraient déjà avoir été pris en compte comme des paramètres certains dans le multiple cours-bénéfice aujourd'hui supérieur à 20x. Compte tenu de tout ce qui peut mal tourner, nous voyons se profiler à travers ce multiple une décennie follement « inquiétante ». De même, les investisseurs centrés sur la croissance peuvent observer les effets disruptifs positifs de l’innovation technologique pour justifier les niveaux de valorisation élevés sans se préoccuper des contraintes potentielles pesant sur les géants du secteur, tandis que les adeptes de la « value » peuvent espérer un scénario imminent de reflation, sans tenir suffisamment compte des facteurs de disruption ou des défis environnementaux.
Dans ce monde en mode « risk-on » après la spectaculaire envolée des marchés au cours des huit derniers mois, nous préférons conseiller aux investisseurs de protéger leur capital ou de garder les lumières allumées plutôt que de tenter de tirer dessus. Comme dirait Warren Buffet, « Soyez craintifs quand les autres sont cupides. » C’est pourquoi, nous plaiderions plutôt en faveur des valeurs de capitalisation. Notre opinion repose sur le constat que le pouvoir de fixation des prix et les revenus récurrents de ces entreprises leur permettent d’accroître leurs bénéfices tout au long des cycles de marché, ce qui renforce leur résistance dans les périodes difficiles telles que celles que nous traversons aujourd’hui.
Nos portefeuilles mondiaux sont en effet parvenus à offrir cette capacité de résistance ; ils affichent pour l’instant une croissance des bénéfices prévisionnels comprise entre 3 et 5 % depuis le début de l’année, contre 8 à 11 % en 2019, contrastant nettement avec les taux -9 % et -1 % réalisés respectivement en 2020 et 2019 par l’indice MSCI World. Il est intéressant de souligner que ce gain relatif de 22 à 27 % sur la base des prévisions de bénéfices de ces deux dernières années n’a pas engendré de surperformance sensible sur la période en raison de la remontée spectaculaire récente des titres « value ». En conséquence, les portefeuilles ont fortement décroché par rapport à l’indice, se négociant seulement avec une prime de 9 % à 16 % sur la base des bénéfices prévisionnels par rapport à l’indice MSCI World, une prime qui disparaît en termes de flux de trésorerie disponibles en dépit de l’écart considérable sur le plan de la qualité. Les valeurs de capitalisation offrent donc un mécanisme d’assurance relativement bon marché.
Considérations sur les risques
Il ne peut être garanti qu’un portefeuille atteindra son objectif d’investissement. Les portefeuilles sont sujets au risque de marché, c’est-à-dire à la possibilité que la valeur de marché des titres en portefeuille baisse. Les valeurs boursières peuvent varier quotidiennement en fonction de facteurs économiques ou d'autre nature (par ex. catastrophes naturelles, crises sanitaires, terrorisme, conflits et troubles sociaux) qui ont des répercussions sur les marchés, les pays, les entreprises ou les gouvernements. Il est difficile de prévoir le calendrier, la durée et les éventuels effets négatifs (par ex. liquidité du portefeuille) liés à de tels événements. En conséquence, cette stratégie expose l’investisseur à des pertes potentielles. Nous attirons votre attention sur le fait que cette stratégie peut comporter d’autres types de risques. L’évolution de l’économie mondiale, des dépenses et des préférences de consommation, de la concurrence, de la démographie, des réglementations publiques et des conditions économiques peut pénaliser les sociétés internationales et peut avoir un impact négatif plus prononcé sur la stratégie que si les actifs de la stratégie étaient investis dans un éventail plus large de sociétés. En général, la valeur des actions varie également en fonction des activités spécifiques d’une entreprise. Les investissements sur les marchés étrangers s’accompagnent de risques particuliers, notamment les risques de change, politiques, économiques et de marché. Les actions de sociétés à petites capitalisations présentent des risques spécifiques, tels que des gammes de produits, des marchés et des ressources financières limités, et une volatilité supérieure à celles des entreprises à grandes capitalisations plus solidement établies. Les risques associés aux investissements dans les marchés des pays émergents sont plus élevés que sur les marchés développés étrangers. Les portefeuilles peu diversifiés investissent dans un nombre plus restreint d’émetteurs. De ce fait, toute évolution de la situation financière ou de la valeur de marché d’un émetteur donné est susceptible d’entraîner une volatilité accrue.
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Managing Director
International Equity Team
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